Prier devant la crèche

Ô touche délicate de Dieu !

Ô touche délicate, Verbe Fils de Dieu, tu pénètres subtilement la substance de mon âme par le moyen de la délicatesse de ton Être divin, et, la touchant toute délicatement, tu l'engloutis toute en toi, avec certaines manières divines de délices et suavités qui n'ont jamais été ouïes en la terre de Canaan, ni vues en la Cité de Théman !   

Ô touche du Verbe fort délicate en mon endroit qu'ayant renversé les montagnes et brisé les pierres de la montagne Horeb avec l'ombre de ta puissance et de ta force qui allait devant toi, tu te fis sentir plus doucement et fortement au prophète Elie sous la forme d'un délicat murmure de l'air ! Ô air délié, subtil, immatériel !

Comment es-tu air délicat et subtil ? Dis-moi, comment touches-tu légèrement et délicatement, ô Verbe Fils de Dieu ? Car encore que ce soit en un degré imparfait, pourtant est-ce en effet un certain goût de la vie éternelle qui se goûte en cette touche de Dieu. Et ce n'est pas chose incroyable qu'il arrive de cette façon, si l'on croit - comme l'on doit - que cette touche est une touche substantielle, c'est à savoir de la substance de Dieu en la substance de l'âme - chose à quoi de nombreux saints sont parvenus en cette vie.

 

Saint Jean de la Croix (1591), prêtre et docteur de l'Église, travailla avec Thérèse d'Avila à la réforme du Carmel. Il a retranscrit dans une des plus belles œuvres littéraires espagnoles ses profondes expériences mystiques.

 

 

Les antiennes « 0 »,  chants du désir.

adis, elles étaient bien connues de la piété populaire. Quand arrivait l'heure d'entonner les antiennes « 0 », sonnaient les cloches des monastères et cathédrales. Accouraient alors les fidèles aux vêpres, où l'on chantait - et où l'on chante encore aujourd'hui - ces prières propres aux derniers jours de l'Avent. Lumineuse solennité de Noël, désir ardent de la Nativité !

 

Du 17 au 23 décembre, lors de l'office des vêpres, la liturgie égrène ainsi sept antiennes, courtes prières précédant un psaume ou un hymne. Commençant toutes par l'invocation au Christ, elles sont appelées « 0 », ou encore « antiennes de Magnificat », puisqu'on les chante avant et après ce cantique. « L'instant choisi pour faire entendre ce sublime appel à la charité du Fils de Dieu est l'heure des vêpres, parce que c'est le soir du monde,  que le Messie est venu. « On les chante à Magnificat, pour marquer que le Sauveur que nous attendons nous viendra par Marie. On les chante deux fois, avant et après le cantique en signe de plus grande solennité. »                                                            

 Il n'y eut pas toujours sept antiennes. On en chanta qui sollicitaient également l'intercession de la Vierge Marie, de l'archange Gabriel, de saint Thomas, fêté le 21 décembre, ou encore de Jérusalem. Mais ne furent finalement conservées que les sept apostrophes principales, adressées à Jésus, Messie et Verbe fait chair.

Une tradition immémoriale

Toutes ont la même structure : le « Ô » est suivi d'un des titres messianiques que les Écritures attribuent à Jésus (Sagesse, Chef, Rameau de Jessé, Clef de David, Soleil levant, Roi de l'univers et Emmanuel).                
Ce titre est ensuite développé, avant que ne survienne cette ardente demande :   
« Viens Seigneur, viens nous sauver ! »

«Les antiennes "0" sont de très haute antiquité elles font partie du trésor de l'Avent et de la très belle histoire de la tradition liturgique de l'Église

  17 décembre                                                                             

  « 0 Sagesse de la bouche

  du Très-Haut, Toi qui régis l'univers

  avec force et douceur,

  enseigne-nous le chemin de vérité,

  viens, Seigneur, viens nous sauver ! »

  18 décembre

  « 0 Chef de ton peuple Israël,

  Tu Te révèles à Moïse

  dans le buisson ardent

  et Tu lui donnes la Loi sur la montagne,

  délivre-nous, par la vigueur de ton bras, viens,

  Seigneur, viens nous sauver! »

La mémoire commune a attribué leur composition à saint Grégoire 1er, dit le Grand, pape du VI-VIIe siècle. « À tort, on a retenu son nom pour les antiennes et on lui a aussi attribué le chant grégorien, car il a été le pape d'une réforme liturgique. Il n'a pourtant rien composé, rien écrit. » Ces prières dateraient en réalité des IV siècles, époque de saint Ambroise de Milan. Leur origine milanaise, attestée par un manuscrit du XIe siècle, est très probable.

Ces antiennes ont des racines juives, « comme souvent la liturgie chrétienne ».

  19 décembre

  « Ô Rameau de Jessé, 
  étendard dressé à la face des nations.
  Les Rois sont muets devant Toi,
  tandis que les peuples T’appellent : 
  délivre-nous, ne tarde plus, 
   viens, Seigneur, viens nous sauver ! »

  20 décembre

  Ô Clé de David, Ô Sceptre d’Israël,
  Tu ouvres, et nul ne fermeras,
  Tu fermes, et nul n’ouvrira :
  arrache les captifs aux ténèbres,
  viens, Seigneur, viens nous sauver ! »

   

Un Évêque italien les comparait aux dix-huit bénédictions que tout juif pratiquant récite quotidiennement. Elles commencent également par l'exclamation « Ô ». « On s'y adresse aussi à Dieu selon différents vocables, on Le bénit pour tout ce qu'Il a fait pour son peuple. Par cette continuité avec la prière juive, la liturgie chrétienne souligne l'accomplissement de l'Ancien Testament en Christ. »

Le cri impatient de l'homme attendant le Messie

 La Bible entière est en effet traversée par un cri, pressant le Messie de venir sur terre. Les sept antiennes « 0 » s'y unissent. « Ô » est la marque d'un souhait et d'un ardent désir, pour marquer les souhaits et les vœux que les patriarches, prophètes et les âmes saintes de l'Ancien Testament avoient de la venue du Messie, après laquelle ils soupiraient et qu'ils demandaient par ces aspirations. Ces prières s'enracinent sur de très précises citations de l'Ancien Testament (Ecclésiastique, Sagesse, Proverbes, Exode, etc.), rejointes par des bribes du Nouveau. Jour après jour, les titres messianiques de Jésus sont dévoilés, sans que son Nom soit nommé. Il faut attendre la fête de Noël pour le voir apparaître :   
                                                  Il est l'« Emmanuel », « Dieu avec nous ».

« Ce travail de composition est remarquable. Le texte, très court, est poétique, il dit l'impatience de la venue messianique. Les premiers liturgistes étaient des poètes et des hommes de lettres : chaque antienne est bâtie sur la même mélodie et nous introduit au mystère célébré. Ces prières pétries de références de l'Écriture sont de petits condensés théologiques à l'approche de Noël. ». Elles renferment « toute la moelle de la liturgie de l'Avent ». 

 En 2011, lors de son message de Noël, Benoît XVI avait offert aux fidèles une méditation sur la dernière antienne,
                           « Ô Emmanuel, notre Législateur et notre Roi,
                              Espérance et salut des nations, viens, Seigneur, viens nous sauver ! »      
Elle est pour lui « le cri de l'homme de tous les temps, qui se sent incapable de surmonter tout seul difficultés et périls ». « Il a besoin de mettre sa main dans une main plus grande et plus forte, une main qui de là-haut se tende vers lui, avait alors médité le Pape. Chers frères et sœurs, cette main c'est le Christ, né à Bethléem de la Vierge Marie. Il est la main que Dieu a tendue à l'humanité, pour la faire sortir des sables mouvants du péché et la faire reprendre pied sur le roc, le roc solide de sa Vérité et de son Amour. »

 Fruits du génie de leur auteur, ces antiennes ont été composées de manière à contenir la réponse de Dieu au cri de l'homme. Si l'on part du dernier titre latin donné au Christ, en prenant la première lettre et en remontant jusqu'au premier (Emmanuel, Rex Gentium, Oriens, Clavis David, Radix Jesse, Adonai: Sapientia), les initiales forment un acrostiche: « Ero cras », c'est-à-dire « Je serai là demain ». Un mode de composition littéraire typique de l'époque de saint Augustin (IVe siècle), détail qui viendrait prouver, une fois encore, la haute ancienneté de ces antiennes. « À chaque lettre, on se tourne de plus en plus vers le Sauveur », en commençant par la dernière ligne :

 Sapientia, Sagesse.
 Adonai, Chef de ton peuple.
 Radix Jesse, Rameau de Jessé.
 Clavis David, Clef de David.
 Oriens splendor, Soleil levant.
 Rex gentium, Roi de l'univers.
 Emmanuel, Emmanuel.

Vers sa naissance, mais aussi vers son retour dans la gloire: chaque année, en célébrant la liturgie de l'Avent, l'Église actualise l'attente de la première venue du Messie et celle de son second avènement. Chantées à vêpres et reprises dans l'acclamation de l'Évangile de la messe, ces antiennes nous invitent, à « nous unir à la sainte Église, lorsqu'elle fait entendre à son Époux ces dernières et tendres invitations, auxquelles Il se rend enfin ».

    21 décembre

   « Ô Soleil levant,
     splendeur de justice et Lumière éternelle,        
     illumine ceux qui habitent
     les ténèbres
     et l’ombre de la mort,
     viens, Seigneur,
     viens nous sauver !  »

 

                
            

22 décembre

  « Ô Roi de l’univers, Désiré des nations,
      Pierre angulaire qui joint ensemble

      l’un et l’autre mur,
      Force de l’homme pétri de limon,
      viens, Seigneur, viens nous sauver ! »

 

23 décembre

     « Ô Emmanuel,
         notre Législateur et notre Roi,     
         Espérance et salut des nations,
         viens, Seigneur, viens nous sauver !  »

 

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